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Bab el Assa, nuit du 4 au 5 juillet 1961, la dernière patrouille-suicide de la Section Frontière.

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Message  perrot Lun 7 Fév - 3:07

Bab el Assa,  nuit du 4 au 5 juillet 1961 ; la dernière  patrouille-suicide de la Section-frontière.

Je  vais tout de suite préciser que j’ai rencontré les Parents d’Yvon Leclerc dans les années soixante, et que je n’ai rien caché, car ils avaient droit à la vérité.  Je suis retourné plusieurs fois me recueillir sur la tombe, (1) mais sentiment de culpabilité,  je n’ai pas repris contact avec la famille.

Depuis le dimanche 2 / 07, Radio  Rabat diffusait à l’occasion de l’anniversaire du débarquement des Français du 5 juillet 1830, des émissions du FLN, où il était question d’ exactions des Français  pendant la conquête, le tout entrecoupé par la musique qui deviendra l’hymne algérien. Promesse également de marquer ce jour dans toute l’Algérie   ……..
Justement le dimanche nous avions discuté de la Mort, assis sur un tas de sable devant notre baraque, et là Yvon nous a dit : « ça ne me ferait rien de mourir en Algérie, c’est surtout pour ma mère que ça m’embêterait »  Yvon Leclerc / 20 ans / de Seine et Marne, était quelqu’un qui avait du  courage et sur lequel on pouvait compter, il était apprécié de tous.

Donc le mardi 4 au soir, nous étions de herse en scout-car,  de 21h à minuit :  Napo –T.A. 106 – T.A. 30. Je vais ouvrir une parenthèse importante pour répéter que les herses n’étaient alors pas doublées, contrairement à ce qui a pu être dit. (2)
Equipage de la herse au départ : Matelot Claude DUCANOS /  Chef de patrouille à la  radio ; Yvon LECLERC à la 12,7 ; Charles PERROT à la 7,62 ; M......  au fusil à grenade ; Alain BANSE / chauffeur. A noter qu’il y avait un joli clair de lune.
Nous sentions que c’était pour nous cette nuit ; nous avons fait une chose que nous ne faisions pas d’habitude : provoquer l’adversaire verbalement en passant les oueds et après avoir tiré les grenades à fusil. (3)

Vers  23h30,  contrairement à ce que nous attendions nous n’avions pas encore ramassé un seul coup de feu. Arrivés en bout de parcours à T.A. 30,  JE PROPOSE A YVON LECLERC QUI EST RESTE 2H30 DEBOUT à la 12,7,  de le remplacer pour qu’il puisse s’asseoir à la 7,62. Nous reprenons la patrouille, mais à 500 mètres devant nous avant l’oued T.A. 40, une dizaine d’explosions de bengalores, les unes derrière les autres ; nous nous arrêtons et prévenons Lapidation (4) car cela ressemblait à une tentative de passage. Réponse de l’Officier de garde : « allez sur place, larguez des grenades,  vérifiez l’état des trapézoïdales et rendez compte» Ce que nous avons fait, en petite vitesse, avec le projecteur.! !!   Bizarre, les trapézo. étaient Intacts !  Réponse Lapidation : « Continuez patrouille !
Au pied de la montée  de T.A.40, au moment où le chauffeur passe le crabot,  feu nourri dans notre dos …..  et  5 roquettes qui vont exploser à 20 mètres devant nous, sur notre droite, soulevant des petits nuages de poussière.  Leclerc riposte à la 7,62, M.......  met une cartouche feuillette en travers, Ducanos me dit de prendre le fusil et donne la radio à M....  ,  (5) lui-même se mettant à la 12,7. Je largue 4 grenades, et je garde le fusil. Finalement nous nous échappons.

Entre T.A. 40 et T.A. 50 la Zone Interdite surplombait le barrage (6) c’était le secteur où nous pensions qu’un jour nous prendrions une grenade à main dans le véhicule.

Arrivé en vue de T.A 50 je largue 2 ou 3 VB, nous entamons la descente, (7) et puis une explosion terrible ;  le temps d’un éclair, une nuée d’éclats en fusion illumine l’intérieur du véhicule, je sens le craquement de ma  jambe gauche, en même  temps une  2ème roquette passe au-dessus de ma tête, et je l’entend exploser devant sur la piste, ça tire de partout, je me cramponne pour ne pas tomber, le véhicule zigzague jusqu’au bas de l’oued, (Cool je pivote et tombe sur le dos. Yvon Leclerc tombe en croix sur moi, le visage au sol,  et il commence à râler.  Ducanos est tombé sur la piste, hors de combat aussi, car les mollets transpercés par des éclats ; pris pour cible il a vu des impacts de balles tout tour de lui.
Sous le feu Banse et M....... demandent du secours avec le téléphone de campagne ( depuis peu suite aux brouillages de la radio par l’ adversaire  2 fils couraient le long de la piste) puis très difficilement ils sortent Yvon par la portière droite et essaient de lui prodiguer les premiers soins..
Pour ma part ; je me glisse pour lever mes jambes contre le blindage, du sang coule avec la sueur sur mon visage, (9) le ventre comme transpercé par un poignard, je passe ma main dans mon pantalon,  je la retire toute gluante de sang chaud.  Cette odeur de sang. et de chair brûlée revient encore quelquefois me hanter, et en ce moment même elle est là.  Je n’en parle jamais à personne.

J’ai essayé de  me faire des garrots (10) j’avais 2 pansements individuels, le premier était sur mon casque, tenu par un gros élastique, je l’échappe,  il tombe  certainement dans la soute à munitions, je ne le retrouve plus ! j’ouvre mon gilet pare-balles,  (11) Je prends le 2ème pansement qui se trouve dans la pochette de ma veste ; impossible de déchirer la toile, plus de force  dans les doigts !
En désespoir de cause j’essaie de sortir ma ceinture de pantalon, mais vraiment plus de forces du tout ! Alors  j’ai compris que c’était la fin, que j’allais mourir . J’ai mis toutes mes forces a appeler à l’aide, j’ai même été très insultant. Mais mes camarades étaient occupés à faire des garrots à Yvon et à  téléphoner. De plus Alain Banse avait eu dans le choc une vertèbre cervicale déplacée.
Entre temps la Batterie c’est mise à bombarder le secteur, au fond du scout j’étais illuminé par les lueurs des fusants et percutants qui tombaient dans un bruit de tonnerre et qui se rapprochaient de plus en plus de nous ; d’ailleurs des éclats ont giclé contre le blindage. Banse au téléphone : «Faites arrêter la Batterie, elle nous tire dessus »
L’ambulance n’arrivait pas, j’ai appris plus tard que l’adversaire avait pris le contrôle de la radio, et avait envoyé un contr’ordre et l’avait dirigé celle-ci  en direction de Beaumont  ………
Chance !  la patrouille à pied commandé par Louis Curé / Cdo Montfort  /  Mon Pays !  (En Section-F. depuis l’accrochage du 21 avril, où  Montfort avait beaucoup souffert)  est arrivée.  Louis m’a fait des garrots. Je lui ai dit : « Si je meurs dit à ma mère que je n’ai pas souffert »
L’ambulance est finalement arrivée, le Quartier-maitre infirmier Gérard DRUELLE (12)  a examiné Yvon et a dit « Il n’y a plus rien à faire » Il a fait aux blessés une injection de morphine et des soins et nous a dirigé sur Bab el Assa. Devant l’infirmerie je n’ai pas voulu boire, disant que j’étais touché  au ventre, on m’a alors découpé tous mes vêtements. Il n’en était rien.
Arrivé à l’hôpital de Nemours, j’ai demandé une cigarette, réponse : « tu ne vois pas que tu es sur le billard ! » là j’ai plongé, il a fallu me réanimer au sang et à l’oxygène avant de m’opérer.. Je suis ressorti de l’hôpital Ste Anne de Toulon en septembre 1962, prés de 13 mois plus tard.   Charles Perrot  / 07 février 2011.
     



(1) la dernière fois l’été 2009.

(2) Après notre bazookage  les herses ont été doublées, c’est à dire que 2 véhicules se protégeaient mutuellement.  Ceci a été mis en place car les gars voulaient bien partir en patrouille à pied ou en embuscade,
mais ne voulaient plusaller se faire tirer comme à la Foire, car il faut bien le reconnaître,   nous n’avions que très
rarement l’initiative de l’ouverture du feu ; et avec nos phares et notre projecteur nous devions bien faire rigoler
ceux d’en face ……
Comme nous étions en sous-nombre,  il n’y a pas de mystère,  pour doubler les équipages il a fallu certainement  
recruter au Service Général et au 2ème bataillon ;  j’aurais aimé  que ceux qui ont profité de la double herse remercient ceux qui ont été assez gonflés pour faire changer les choses . Sans eux il y aurait  certainement plus de Morts !

(3) Nous avions une caisse de grenades à fusil dans le véhicule, et nous devions en larguer quelques unes avant le passage des oueds ; ces grenades étaient des «  antichar »,  mais les « antipersonnel » que nous avions précédemment ne faisaient pas plus d’effet ;  je les compare  à un gros pétard.
(4) Lapidation qui si mes souvenirs sont exacts s’appelait depuis peu Lydice.
(5)  M.....  était là depuis 1 mois, et donc avait moins l’habitude.    Dans notre position la 12,7 ne pouvait pas tirer.
(6) Ceux qui ont fait la « lessive Mascotte » doivent s’en souvenir. (patrouille à pied, en Z.I. le long du réseau miné)
(7) Dans la descente de T.A. 50,  (en revenant de de T.A. 40)  le réseau faisait un décroché , ce qui fait que nous présentions l’arrière du véhicule au barrage, et là, la 12,7 ne pouvait pas opérer. Vraiment une faute de conception  inadmissible !
(Cool  J’ai appris par la suite que certains de nos pneus étaient crevés.
(9) Mon casque lourd avait pris un éclat qui m’a t’on dit avait froissé le métal, comme une vulgaire  boite de sardine, je n’ai eu au final qu’un petit éclat dans le front.
(10) Tibia gauche : fracas multiesquilleux, délabrement cutané, artère tibiale entaillée, nombreux éclats de la cuisse au talon ; jambe droite : veine saphène arrachée à la  cuisse, et  plus  de 160 éclats de la cuisse au talon.
(11) A cette époque nous avions depuis peu des gilets pare-balles que nous passions à l’équipe suivante ; cette nuit  le mien était composé de plaques rigides, impossible de se baisser !  Les préférés  étaient ceux « type écailles »
(12) Le Quartier-maitre Infirmier Gérard Druelle a été tué une semaine plus tard dans le bazookage de son ambulance, alors qu’il se rendait de nuit au secours de blessés.


Dernière édition par perrot le Sam 13 Sep - 12:50, édité 5 fois (Raison : Remplacé un nom par une initiale. septembre pour août.)

perrot

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Message  Louis Ven 18 Fév - 23:41

Je confirme que Ducanos chef de patrouille à bien été bazouké et blessé aux jambes l'énumération des chefs d'équipes et correct à un détail Jean Breton et moi étions qm2 présent à Bab el assa de puis avril 60, nous avons vécu tous les drames de la section frontière qui sont décrit par les uns ou les autres avec il me semble des oublis.
Mais je ne pense pas que cela doive dégénérer en prise de tête.Je voudrais rappeler que le premier pavillon fells ramené au poste la été par Jean Breton et moi même avec deux matelots de nos équipes j'ai la photo dans mon album comme preuve. En ce qui concerne les pièges Jean Breton et moi étions passés par Marnia en mai 60 et nous avons avec le sm armurier piégé une grande partie des lieux propices aux embuscades.

Salut à Tous

Louis

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Bab el Assa, nuit du 4 au 5 juillet 1961, la dernière patrouille-suicide de la Section Frontière. Empty suite patrouille-suicide

Message  perrot Sam 13 Sep - 12:45

Bonjour Louis,

Heureusement pour lui, Claude Ducanos était sur pied 15 jours plus tard.

Je suis passé chez toi en fin juin 2012. Dans l'émotion des retrouvailles j'ai oublié de te poser une question:

Pourquoi dans ta réponse ci-dessus ne fais-tu pas état de notre Camarade Yvon Leclerc
qui a été tué cette nuit-là, et de moi-même que tu as cotoyé pendant 11 mois ...........
Quelqu'un m'en a fait la remarque, et effectivement, cela me pose aussi question.
Je profite de l'occasion pour dire que  mes 26 mois terminaient  le 26 juillet 1962, (Carnet individuel)

Pour cette raison, au terme de la Durée Légale de 26 mois, on m'a fait signer un engagement de 2 mois, car
devenu civil, et pas encore pensionné, je ne pouvais plus rester dans un Hôpital Maritime ;
je n'ai donc finalement  quitté l'hôpital Ste Anne qu'en septembre 1962. (J'ai un bulletin de sortie de l'Hôpital)

Ne vois surtout pas en ces quelques lignes une quelconque attaque, mais j'avais besoin de ces précisions.

J'ai très bon souvenir de toi.
Mes amitiés.      Charles Perrot le 13/09/2014.

perrot

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Message  Louis Sam 13 Sep - 19:12

Bonjour Charles,

Très content de te lire. La réponse à ta question est simple, si mes souvenirs sont exact le différent portait sur les chefs d'équipes. C'est pourquoi je n'ai pas évoquer l'équipage. N'étant pas impliqué dans cette patrouille j'ai pour principe d'évoquer que ce que j'ai vécu ou vu. De plus j'avais de très bon rapport avec Claude qui était au demeurant un excellent cuisinier.
Au plaisir de te revoir Charles

Avec mes meilleurs souvenirs et mon amitiés

Louis GENTILHOMME

Louis

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